PARTIE I_ « Et PAF, ça fait des Chocapic! »

« Dis maman! Il va où papa?! » Marie Hawkins baissa ses yeux gonflés et rougis par les larmes, surprise de voir sa fille de six ans debout, son doudou dans les bras et apparemment hors de son lit. « Retourne te coucher ma puce. », se contenta-t-elle de répondre en se penchant pour prendre Ariel-Faye dans ses bras, se dirigeant vers sa chambre d’enfant. Dans une pièce voisine, Jonas, son mari, était en train de réunir ses affaires et de tout entasser dans des valises. « Mais je veux savoir! Pourquoi est-ce qu’il s’en va?! » Marie eut encore plus envie de pleurer mais refusa de le faire devant sa fille. Ignorant les suppliques et les cris de la petite, l’adulte la coucha dans son lit, rabattit la couverture sur son petit corps et l’embrassa sur le front. « C’est rien mon ange, papa s’en va juste quelque temps, mais il reviendra vite! ». « …Mais pourquoi?! » « Le travail, ma puce. Allez, rendort toi, tu as école demain. » Ariel-Faye fronça les sourcils et soupira, serrant finalement son doudou contre elle et fermant les yeux, prête a se rendormir. Une fois hors de la chambre, Marie craqua et s’appuya contre la porte pour ne pas sombrer. Son mariage partait en fumée et la dernière chose qu’elle voulait était que sa fille, si jeune encore, y soit mêlée. Bien qu’elle déteste mentir a ses enfants, elle a jugé la réconforter en disant que son père reviendrait vite, alors qu’elle savait bien que ce n’était pas le cas. Marie s’était violemment disputée avec son mari moins d’une heure avant, sur la terrasse. Il venait de lui annoncer qu’il l’avait trompée…Non, qu’il la trompait, et ce depuis plus de six mois, avec une femme plus jeune. Le coup classique, presque un cliché. Quelque chose de tellement vu et revu que Marie avait au début pris ça pour une plaisanterie et avait éclaté de rire…Avant de voir que Jona était totalement sérieux. Là elle s’était levée, avait crié, l’avait insulté, et pour finir, l’avait mis dehors.

Le lendemain, lorsque Ariel-Faye déboula dans la cuisine, toute trace de son père avait disparu. Il avait pris le stricte minimum et était parti. Mais elle ne se fit pas de soucis: Sa mère lui avait assuré qu’il reviendrait. Alors elle attendit, patiente. Les jours défilèrent, puis se transformeraient en semaines, puis en mois, et finalement en années. Finalement, la fillette n’a jamais revu son père passer la porte.

PARTIE II_ « Les garçons, je les aime pas! Ils tirent sur mes nattes et veulent toujours regarder sous ma jupe! »

Finalement, les années passèrent. Ariel-Faye vivait donc seule avec sa mère et Rider, son frère aîné, âgé de trois ans de plus qu’elle. Elle voyait son père un week end et un mercredi sur deux et même si au début elle n’avait pas compris pourquoi il ne vivait plus à la maison avec eux, quand on lui exposa la situation, elle s’adapta. Les années primaire défilèrent terriblement vite et elle entra rapidement au collège. Là, elle fit la connaissance de Rebekah Anderson, une fille à l’air innocente, timide et perdue. Ayant le même âge et fréquentant la même classe, elles étaient devenues amies dès le premier jour de cours. Pourtant, au niveau caractères, elles étaient totalement opposées: Alors que Ariel-Faye était quelqu’un de très enjoué, d’hyperactif, de drôle qui n’avait pas vraiment de mal à se faire des amis, Rebekah, elle était plus discrète et effacée. Elle osait moins. Alors Ariel s’était donné pour mission de la décoincer, de la faire sourire et rire plus…Finalement, elles s’étaient trouvées pour ne jamais se quitter. Elles passèrent toute leur scolarité ensembles et trainaient chez l’une ou chez l’autre comme si elles étaient chez elles. Un peu comme des sœurs.
On essaya souvent de les séparer. Surtout les garçons avec qui elles sortaient, parfois. Certains étaient jaloux de leur complicité et essayaient de les faire se voir moins souvent, mais comme elles le disaient toujours « les amies d’abord ». Ariel-Faye aurait sans hésité choisi Rebekah si jamais on lui lançait un ultimatum du genre « c’est elle ou moi. ». Parce que selon elle, les garçons sont remplaçable, rien n’est signé pour toujours avec eux-il y avait qu’à voir l’histoire du mariage raté de ses parents!-, mais pas contre, rien ne remplaçait une amitié sincère. Alors pendant le reste de leurs années collège, elles laissèrent tomber les garçons et passaient plus de temps à s’amuser, à jouer les égoïstes en restant toutes les deux, peu importe ce qu’on pouvait en penser.

PARTIE III_ « T’as un rencard, genre un vrai rencard?!…Non mais avec une fille…fille?! »

« Quoi?! Mais qu’est-ce que c’est que ces putains de conneries?! », s’écria la douce voix de Ariel-Faye. Du haut de ses seize ans, Ariel-Faye se focalisait sur Rider qui lui restait campé la, devant elle, les bras croisés et l’air gêné. « Je ne m’attendais pas à ce que tu comprennes. » L’adolescente, excédée, passa une main dans ses cheveux couleur feu et secoua la tête. « Tu ne t’attendais pas à ce que je comprenne quoi, exactement?! Le fait que tu veuille te tirer d’ici vite fait pour me laisser seule?! » Rider soupira et s’approcha d’un pas. « Je ne te laisse pas seule, tu seras avec maman. » Les larmes débordant de ses jolis yeux marrons, Ariel-Faye ne se laissa pas faire et recula au fur et a mesure que Rider avançait. « Wow! Je serais avec maman! La belle affaire, Rider, sérieusement! Je croyais que toi et moi on s’était dit qu’on se quitterait jamais! » « Oui, mais on avait dix ans a ce moment là ». En effet, Rider et Ariel-Faye avaient traversé le divorce houleux de leurs parents tous les deux. Rider était comme la bouée de sauvetage a laquelle elle s’accrochait alors que sa famille partait totalement en vrille. Finalement, la séparation les a rapproché et ils ont toujours été très fusionnels, toujours sur la même longueur d’onde et en harmonie…Mais pas aujourd’hui, manifestement. Parce que Rider vient de lui annoncer qu’il souhaite quitter la ville pour emménager avec une fille avec qui il était en couple depuis plus de deux ans. « Et alors?! », hurla Ariel-Faye, en colère et peinée. « Pour moi c’était pas des paroles en l’air! Je pensais que tu voudrais rester près de moi, au moins jusqu’à ce que je sois majeure! J‘ai besoin de toi, Rider! Et toi aussi t as besoin de moi! » Jamais Ariel-Faye n’aurait imaginé que son grand frère protecteur oserait la laisser, surtout pour une simple fille. Oui, elle était un tantinet jalouse, mais depuis qu’il garce lui avait volé son père, elle se méfiait des femmes que fréquentaient les hommes de la famille Hawkins! Là Rider, peiné de voir sa sœur dans cet état, ne lui laissa pas le choix et l’attrapa par le bras pour l’attirer à lui et la serrer fort. « Je pars pas au bout du monde Ariel. Je ne serais qu’à une petite heure d’ici. Et si jamais un jour tu flippe ou tu as un coup de blues, tu m’appelle et je rapplique illico. Puis Rebekah est là aussi. Et je reviendrais souvent. » Ariel-Faye soupira et rendit son étreinte à Rider, pleurant toujours. « Ne me dis pas que tu reviendras. Papa l’a fait et il n’a plus jamais mis les pieds dans cette maison! » Rider rit légèrement et se rattrapa. « Ouais, c’est vrai. Sauf que moi, je suis pas papa. »

PARTIE IV_ « Bizarrement, t’es le seul mec canon que j’arrive a encadrer! »

« Eh, tu peux pas faire attention où tu vas?! » Ariel-Faye se massa le bras et lança un regard noir au type qui venait de la bousculer. Celui-ci s’excusa, et bizarrement, eu vraiment l’air d’être désolé. Ariel se détendit et s’excusa a son tour pour son hostilité. Voilà presque vingt quatre heure qu’elle était dans ce fichu hôpital, elle en était à son dixième café et n’avait pu dormir que trois heures a tout casser. Alors oui, elle était légèrement sur les nerfs! Les aléas du travail d’interne dans un hôpital! Le type, souriant, lui offrit son onzième café et ils s’installèrent sur les chaises de la salle d’attente, près de l’accueil. Ariel-Faye lui demanda qui il était et pourquoi il était là. Il lui répondit qu’il s’appelait Ezra et qu’il était à l’hôpital pour rendre visite a sa petite sœur de douze ans, Lola. Le cœur de Ariel-Faye s’était immédiatement serré: Elle connaissait Lola, pour s’être occupé de son cas depuis son arrivée ici en tant qu’interne. La gamine souffrait d’une leucémie et même si son état était stable, les résultats étaient plutôt négatifs parce que son corps la lâchait un peu plus chaque jours. Alors la jeune femme lui parla du cas de Lola en toute franchise, répondit a ses questions et lui promit de vieller sur elle en son absence.
A partir de ce jour là, Ezra et elle se croisèrent souvent, puis devinrent amis, se découvrant des points communs. Ayant le même âge, c’est-à-dire vingt et un ans, ils se mirent a sortir, délirer et même s’ils se voyaient le plus souvent à l’hôpital dans un contexte assez triste et morbide, ça ne les empêchait pas de chérir les moments qu’ils passaient ensembles.

« Il te plait, ça se voit! », lui répétait sans cesse Rebekah qui elle aussi bossait à l’hôpital, mais en neurochirurgie. « Vous devriez sauter le pas et sortir un soir ensembles! ». Mais même si ça lui plairait bien, Ariel-Faye refusait de s’imaginer des choses et voir Ezra autrement qu’en ami. Si jamais lui ne voulait pas sortir avec elle et que ça ruinait leur amitié?! Non, ils resteraient potes, point!

PARTIE V_ « Si tu meurs, je promets que je poursuit ton petit cul jusqu’en enfer pour te ressusciter et ensuite pouvoir te tuer de mes mains! »

« Tiens regarde Ariel! Ils passent un super film au ciné’! Et si on y allait?! » Ariel-Faye se tourna vers sa meilleure amie et sourit. Voilà quelque chose qui n’était pas prévu: Passer devant un cinéma et s’arrêter alors qu’elles étaient, Rebekah et elle, en pleine virée shopping. Mais la jeune femme haussa les épaules, acceptant la requête de sa meilleure amie. Qu’est-ce qu’elle n’aurait pas fait pour elle après tout?! Moins d’une heure plus tard, Ariel-Faye regrettait amèrement de s’être laissée entraînée.

Dans la salle, tout le monde hurlait, se jetait à terre. Les balles sifflaient, les tirs étaient bruyants et effrayants. Tout n’était plus que confusion et peur. Cela sembla durer des heures a la jeune Hawkins. Près d’elle, qui se cachait là où elle pouvait, les gens tombaient, certains blessés, d’autre sûrement pire. Et soudain, le cri strident d’une femme retenti juste à sa droite. Ariel, comme au ralenti, vit Rebekah tomber lourdement a terre, les yeux écarquillés, une balle perforant durement sa poitrine. Elle s’était jeté aux côtés de sa meilleure amie, mais pour ça, elle dut se lever et pris elle-même un projectile perdu en plein dans l’épaule gauche. La douleur vrilla le bras entier de Ariel, mais pour elle rien d’autre ne comptait que Rebekah, qui était étendue à terre. Se mettant accroupi et posant la tête de sa plus vieille amie sur ses genoux, Ariel-Faye pleurait. Elle la suppliait de tenir, d’attendre que les secours arrivent, de ne surtout pas mourir. Mais moins d’une minute plus tard, les yeux gorgés de larmes dues a la peur de Rebekah se fermèrent définitivement. Ariel refusa de lâcher le corps de son amie et fut embarquée avec elle dans l’ambulance quelques minutes plus tard. Elle-même blessée, fut soignée à l’hôpital. « Des dizaines de morts », disaient des médecins dans les couloirs. « Venez voir les blessés et prenez leur dépositions », ordonnaient les officiers de police. Seule dans une des chambres qu’elle avait l’habitude de voir à présent, Ariel-Faye fixait un point dans la pièce, complètement amorphe. Elle n’était plus elle-même, ne ressentait plus rien. Même plus la douleur intense que lui infligeait son épaule gauche. La balle était entrée mais n’était pas ressortie, le coup venant de trop loin…Alors elle avait eu une opération rapide et sommaire. Sa mère vint la voir, inquiète et lui dit qu‘elle avait réussi a joindre Rider, qu‘il arriverait. Ariel-Faye ne répondit à aucune question, ne pleura même pas, se contentant de fixer le mur. Elle avait failli mourir, mais s’en fichait, tout simplement parce que sa meilleure amie, elle, n’avait pas eu cette chance.


PARTIE VI_ « Certains disent: J‘irai cracher sur ta tombe. Et d‘autres: J‘irai danser sur ta tombe. Moi, j‘irai seulement pleurer sur la tienne. »

Moins d’une semaine plus tard, les personnes décédées dans cette fusillade furent enterrées. Certains, Ariel-Faye les connaissaient, que ce soit juste de vue ou alors personnellement. Mais elle n’alla qu’à celui de Rebekah. Là, pour la première fois depuis l’accident, elle pleura. Longtemps et fort, appuyée contre l’épaule de Ezra qui était présent également. Pendant la cérémonie, elle dut faire un discours où elle raconta tous les plus beaux souvenirs qu’elle avait de Rebekah, qu’ils soient importants ou non. Elle se libéra de sa tristesse en disant à sa famille à quel point ça avait été quelqu’un de merveilleux et de brillant. A quel point elle l’aimait et souhaitait que Rebekah ait pu continuer de vivre. Puis tout pris fin, mais Ariel-Faye, même après le départ de la famille et des amis, resta jusqu’à la tombée de la nuit assise devant la pierre tombale, les jambes croisées sur la terre fraichement retournée. Parfois elle pleurait durant quelque minutes puis s’arrêtait pour se rappeler des souvenirs, mais ne pensa pas une seconde à la fusillade. Une fois le soleil couché, une main se posa sur son épaule. Se croyant seule, elle sursauta, mais non, Rider était toujours là, ainsi que Ezra qui lui était resté en retrait. Ils étaient restés, attendant le temps qu’il fallait à Ariel-Faye pour s’adapter à l’idée qu’une fois sortie du cimetière, elle quitterait définitivement Rebekah. « Allez viens Ariel. On y va. », murmura son frère comme pour ne pas la brusquer. Et docilement, elle le suivit.

Aujourd’hui, c’est encore dur. Ariel-Faye fait des cauchemars violent, voyant l’horreur de la fusillade a la seconde où elle ferme les yeux. Elle est devenue presque insomniaque, ne dors que trois ou quatre heures par nuits. Se plongeant dans le boulot, sa mère ne la voit presque pas et son frère doit carrément se déplacer à l’hôpital pour la forcer à lever un peu le pied. Elle voit un psy aussi. Mais ça n’apporte pas de gros résultats étant donné qu’Ariel est fermée comme une huitre, refusant de revenir sur le jour où sa meilleure amie a perdu la vie. Ezra aussi, vient la voir souvent, presque tous les jours. Il est devenu son meilleur ami, son confident. Elle l’aime beaucoup, ressent même du vrai amour pour lui, mais ne compte pas le lui dire: elle a perdu Rebekah, hors de question qu’Ezra lui file entre les doigts.